Ugo Mulas

 

Journée d’étude sur Ugo Mulas, Le verifiche, au Centre Pompidou le 11 mai 2011
 Les participants au colloque étaient : Clément Chéroux, Denys Riout, David Campany, Alfred Pacquement, Giuliano Sergio, Joan Fontcuberta et Jean-François Chevrier (Germano Celant, annoncé, était absent).
Enregistrement disponible (<https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-2836fb357eeb8d2916ec767c66d9c8&param.idSource=FR_E-151d9858c1bb3757baaca421122dd22>), plus mes propres enregistrements.

 

 

 

Clément Chéroux

 

Rencontre entre Mulas et l’art conceptuel (Pistoletto).

Mulas est présent dans une photo d’un Pistoletto, il ne se dissimule pas, il s’y reflète.

Valeur autoréflexive des Verifiche.

« Pistoletto réfléchit Mulas comme Mulas réfléchit la photographie. »

Il n’y a que deux séries d’époque complètes des Verifiche et Pompidou vient d’en acquérir une.

 

 

Denis Ryout, « Fermer les yeux, ouvrir l’œil »

 

A propos de Verifica n°1, Hommage à Niépce.

Cadre verre sur la planche, définit le cadre.

« un ready-made fortement aidé ».

Esthétique habituelle de la planche-contact : pléthore d’images, pêle-mêle.

Avec la planche-contact, on est dans la fabrique de l’œuvre, l’œuvre n’est pas encore tout à fait là.

Le photographe montre le film, élément du dispositif photographique.

Ici, on ne peut que prêter attention au dispositif.

Est-ce une démarche conceptuelle ? Oui, pour une part, mais c’est surtout une réfléxivité, c’est autoréférentiel, ça parle de la photographie en général, ça se concentre sur le médium, sur la couche sensible, elle est le personnage principal, elle ne représente pas autre chose qu’elle-même.

Mulas : « Je craignais que cette démarche ne paraisse trop cérébrale ».

GC Argan « une critique d’art non verbalisée » à propos des photos de Mulas sur les artistes ; c’est une opération critique.

Gijsbrechts : réflexion sur la peinture, montrer le dispositif que d’ordinaire on ne voit pas.

Robert Ryman, Anchor, 1980 : l’art sur l’art.

Marthe Wéry qui déverse la peinture sur la toile.

Eric Rondepierre, Les trente étreintes : dégradation de la pellicule, image brouillée, gangrenée, montrer le travail même de la couche sensible.

Sur la temporalité : on voit l’amorce au début, l’attache du film à la bobine à la fin et la numérotation. C’est une progression scandée par un temps régulier, un mécanisme. C’est le contraire de l’instant décisif, du moment fécond, du kairos.

C’est paradoxal : à la fois temporalité et absence d’histoire.

Dans la Verifica 3, Il tempo fotografico, (Kounellis), il y a déroulement temporel, mais similitude ; le temps y acquiert une dimension abstraite.

Dominique Noguez, livre « Les trente-six photos que je croyais avoir prises à Séville » (Maurice Nadeau, 1993) : cadres vides, ratés de la mémoire.

Images noires dans les films, par ex Duras, L’Homme Atlantique, 1981 [et Debord]

Eric Rondepierre, La vie est belle (Excédents), 1993 : ressaisie d’images noires filmiques par le photographe.

Miroir noir : photos de Bernar Venet en 1963, dont le portrait de son frère François pris dans le noir absolu.

Verifica 12, La didascalia, à Man Ray : la légende, la connotation, texte « ça c’est mon dernier tableau » ; Mulas : « j’avais photographié une phrase, mais ça ne pouvait pas se voir si l’on n’inscrivait pas dans la photographie » [cf vera fotografia]. Man Rays a fait ‘Ma dernière photographie’ dédiée à Louis Aragon en 1929, tirage noir (papier développé), et aussi un autre tirage noir pour Robert Desnos.

La femme cachée (au centre du montage Je ne vois pas la [] nue dans la forêt) : le tableau appartenait à Breton, qui le nettoie, mal et l’efface en partie : il disparait un peu, est devenu flou.

 

 

David Campany, « Photography and ‘its own condition’ »

 

Verifica n°12, Hommage à Marcel Duchamp

 

  1. Mulas, Duchamp, Photography

Relationship with Le Grand Verre: visibilty, transparency, fate, accident ; and with Élevage de Poussière : dust is the enemy of photography, it’s the trace by excellence.

Verifica n°7, Il laboratorio, une main développée, l’autre fixée, hommage à Hershel.

John Hilliard, Camera recording its own condition: monochromes in two corners ; diagonal of ‘correct’ images.

Kosuth, One and three photographs; applying the same logic as with the chair, but here a photography is photographed: the triptych structure breaks down.

Burgin, Photopath 1969; photo of the floor in B&W put on the floor, same size.

Mel Bochner, Misunderstandings 1970 (multiple, 500 copies); 8 quotations about photography (Zola, Duchamp, Taine, Merleau-Ponty, Mao, Encyclopedia Britannica, Proust, James Gibson), two of which are fake, and a negative (polaroïd?) showing an arm.

The first moment in which photography has been thought analytically? Maybe not, it was also true at the beginnings of photography.

In the 60s fine art photography was in a ghetto. The most interesting work was made not by photographers, but by artists using photography.

 

  1. Photographic conceptualism and formalist discourse

John Szarkowski’s book The Photographer’s eye (1966) is organized in 5 chapters, with exemples of formalist photography in it. If we replace them by conceptual photography, or by Mulas’ photos, it works also.

It was an occasion for Mulas to think about conceptualism and formalism, and to avoid being trapped in either.

 

  1. Photography and the Monochrom

Mulas finishes the 12 Verifiche, while Duchamp proclaims the inachèvement définitif of the Grand Verre.

Verifica n°5 is about enlargement of the sky. From blankness to details.

The monochrome exists in painting, does it in photography? (l’amorce = the tongue)

For photographers, photography appears to be in the middle, after the tongue, before the end.

If not it is a photo ratée, a failure.

Welling, Segni ; monochromes (colour filtration of the enlarger has been altered).

Bromberg & Chamarin, Beyoncé; photography of recording studios, disappearing background, traces. At the edges of falling into the monochrome.

Paul Graham, Films 2011 : digital scans of negatives : the blank end of films in fact also have images.

Mulas: analytical conceptual photography.

 

 

Giuliano Sergio
Auteur d’une thèse et d’un livre sur la photographie italienne des années 60 et70 (Information document oeuvre, à paraître début 2012) ; curateur de l’exposition vue à Naples.

La réception de l’œuvre de Mulas

Mulas a placé son discours critique dans une position latérale, ambiguë, divergente.

Il ne voulait pas construire une série rentrant dans les canons de l’Arte povera ou de l’art conceptuel, ni dans la photographie artistique.

Lors d’une table ronde en 1976 sur la photographie comme médium, comme instrument de l’art, Paolo di Sano parlant de Mulas et d’autre : « Une photographie qu’ils veulent faire valoir en tant qu’objet ».

Pour Mulas, les Verifiche ne sont pas seulement des tirages photographiques, ce sont des objets contrecollés sur aluminium, emboîtés dans du plexiglas ; ce sont des objets, des œuvres, pas seulement des exercices conceptuels.

Pour la critique, Mulas manque de continuité, il passe du statut de photographe à celui d’artiste.

Il était un photographe critique d’art (à partir de 1962, du festival de Spoleto et en particulier des photos de David Smith produisant ses pièces sur place dans l’usine abandonnée de Voltri. Il n’était pas seulement un photographe d’œuvres d’art.

En 1964, il fait le choix d’aller à NYC et publiera « NY : The New Art Scene », nous montrant la scène new-yorkaise, la production et les collections, pas les galeries.

Mulas devient un artiste en réfléchissant à la question de l’identité photographique

A la fin des années 1960, les artistes plasticiens prennent le contrôle de leur propre image ; ainsi ils ‘délogent’ Mulas, prennent sa place.

Expo à Foligno en 1967 Lo spazio dell’imagine. On voit Mulas dans l’image, il apparaît : photographie avec miroir [Pistoletto]

Photographie de Paolo Streghi pour l’évènement Campo Urbano.

Les Verifiche, c’est le point de vue du photographe, pas du peintre.

 

 

Joan Fontcuberta, « Derrière le miroir (encore) »

Lewis Carroll.

Vidéo humoristique dans un WC féminin avec deux sœurs jumelles face à face : jeu du miroir absent.

La photographie, c’est un miroir avec une mémoire.

Verifiche n°2 , Ombre et reflet, Hommage à Friedlander

‘Verdermi mentre vedo’.

La photographie exige un effort de lecture.

Modèle de perception : l’accident qui échappe au langage de la technologie.

Introduire l’image dans l’image (Les Ménines).

La photographie est là grâce au miroir.

Autres exemples : Ilse Bing, Helmut Newton (en imperméable photographiant un modèle nu), Jeff Wall (inspiré du Bar des Folies Bergères).

On enregistre aussi l’existence de l’appareil photographique.

Deux tiers des humains aujourd’hui ont un portable.

Empreinte sociologique sur le miroir.

Du chaman (Lascaux) à l’artiste à tout le monde, homo photographicus.

Gérer notre image.

Fontcuberta présente alors son travail de recueil sur internet de photos miroirs.

 

 

Jean-François Chevrier, « Image, temps, etc. »

Critique virulente du travail de Fontcuberta : saturation d’images, c’est contre-révolutionnaire.

Verifica n°3, Il tempo fotografico; dédiée à Kounellis.

La capacité négative selon Ugo Mulas.

Stricte opération d’enregistrement par un opérateur anonyme.

Pas d’interprétation subjective, pas d’appropriation, mais une décision opératoire

(Traduire ‘sequenza di comodo’ : séquence fonctionnelle, instrumentale)

Effet de réduction : Kounellis réduit l’air emblématique de Nabucco (anecdote de Ricardo Muti bissant à Rome) à une phrase au piano, Mulas réduit la performance à une vue de loin du pianiste de dos, jour après jour.

[Chevrier tire Mulas vers le politique, avec des raisonnements tirés par les cheveux, par ex sur son lapsus de date 69/70 au lieu de 70/71, à cause de l’attentat à Milan en 1969]

Mulas nie cette dimension spectaculaire et politique de l’air de Nabucco.

L’interprétation de l’histoire est omniprésente chez Mulas [mais Chevrier cite Kounellis, pas Mulas]

Il faut reconnaître que Mulas  écarte toute considération historique et existentielle, qu’il ne parle pas de la dimension historique dans son texte.

Il place la photographie (espace, immobilité) à l’opposé de la musique (temps) avec l’art actuel entre les deux.

C’est le temps détaché de la durée, mais fait de temporalités successives dans une image globale (la planche contact). Négation de la différence au profit de la répétition.

Le ‘temps pur’, attesté sur un plan comptable par la numérotation des images.

« en dehors de toute construction réelle » dit Mulas.

C’est une négation de la relation sujet-objet, une procédure impersonnelle d’enregistrement.

Livre de Bragaglio « Fotodinamismo futurista » est réédité en 1970.

Aussi influence de Muybridge et Marey ; mais chez Mulas il n’y a pas de décomposition photographique du mouvement.

Produire le temps sans mouvement.

Mulas : le modèle photographique de la durée.

Regard fixe, suspendu à la vue.

Lien avec Pistoletto : le reflet du photographe.

Avant-dernière Verifica avec sa femme : réponse au miroir

La 1 répond à la 12 : Niépce/Duchamp.

La 2 répond à la 11 : miroir.

C’est un cadre d’interprétation.

Il ne faut pas réduire Mulas aux Verifiche.

Mulas n’est pas un photographe artiste.

Il s’intéresse au territoire urbain.

Il savait alors qu’il était malade, qu’il allait mourir : Les Verifiche et le temps destructeur ?